2021 - Fantastique
Quatrième de couverture
Les journalistes le savent : si ça saigne, l'info se vend. Et l'explosion d'une bombe au collège Albert Macready est du pain béni dans le monde des news en continu. Holly Gibney de l'agence de détectives Finders Keepers, travaille sur sa dernière enquête lorsqu'elle apprend l'effroyable nouvelle en allumant la télévision. Elle ne sait pas pourquoi, le journaliste qui couvre les événements attire son attention...
Mon avis
Une fois n'est pas coutume, puisqu'il s'agit d'un recueil de textes sans aucun lien entre eux (contrairement au recueil La Patrouille du Temps, par exemple), je m'abstiendrais de scinder ma critique en quatre sections (intrigue, idées, personnages et style), comme d'ordinaire.
Stephen King est un homme généreux.
Il écrit "Si ça saigne", la suite de l'excellent Outsider, qui donne son titre à ce recueil, mais, se rendant compte que l'histoire dépasse à peine les 250 pages, il décide d'accompagner ce court roman de trois textes inédits.
Ces trois textes constituent un apport fantastique, dans tous les sens du termes. Ils font tout sauf figure de remplissage, et leur longueur conséquente les classe même dans la catégorie des novellas plus que celle des nouvelles.
Le téléphone de M. Harrigan
Craig, un garçon de douze ans, noue une profonde amitié avec John Harrigan, un requin de la finance à la retraite qui vit près de chez lui.
M. Harrigan reçoit en cadeau un iPhone que Craig lui offre après avoir gagné à un ticket de loterie offert par le vieil homme.
Peu après, M. Harrigan décède et Craig subtilise son iPhone offert pour le glisser dans son costume mortuaire. Craig prend ensuite l'habitude d'appeler de temps en temps son vieil ami décédé pour lui laisser des messages vocaux, jusqu'à ce qu'il réalise que la batterie ne se décharge pas dans la tombe, pas plus que son répondeur n'a été résilié. Il se rend alors compte que ses messages vocaux ont des effets pour le moins étonnants…
Pour avoir lu une bonne partie de la bibliographie du sieur King, j'ai presque été surpris par le démarrage très lent de l'histoire, dont la tournure fantastique tarde à arriver. L'auteur prend (beaucoup) le temps de développer le lien d'amitié respectueuse noué entre l'adolescent et le vieillard.
Ici, point de passages effrayants ni de suspense haletant, mais plutôt une réflexion assez fine sur les nouvelles technologies, les classes sociales ou encore la gestion du deuil, le tout saupoudré d'une aura fantastique qui n'est pas sans évoquer une sorte de mélange édulcoré entre Simetierre et Cellulaire, du même auteur.
Et, surtout, Stephen King explore ici une thématique chère à ses yeux : celle de l'enfance confrontée à des évènements extraordinaires, comme il l'a fait à maintes reprises, notamment avec Charlie, Ça, Shinning, ou plus récemment L'institut.
Une excellente entrée en matière qui se lit d'une traite, et c'est mon histoire préférée avec Rat.
A noter que Netflix a acquis en 2020 les droits d'adaptation de cette histoire.
La vie de Chuck
Une histoire écrite à rebours qui commence, à ma grande surprise, par un début apocalyptique absolument captivant qui n'aurait pas juré dans un bon roman de SF. Séismes, inondations et volcans font irruption un peu partout sur Terre. Aucune explication n'est donnée sur l'origine de ce cataclysme, si ce n'est qu'il est lié de près à Chuck, un cancéreux en phase terminale.
La deuxième partie nous ramène dix ans auparavant. Alors qu'il est en déplacement professionnel, Chuck est pris d'une impulsion et se met à danser face à un batteur de rue. Il est vite rejoint par une jeune femme qui vient de subir une rupture amoureuse, et tous les trois partagent un moment artistique qui s'étire hors du temps.
Enfin, la dernière partie remonte à l'enfance de Chuck qui fait face au décès de ses parents et se retrouve confronté à une étrange coupole au sommet de son logement, un endroit qui lui est interdit car il serait hanté.
Je reste quelque peu dubitatif face à cette novella, qui traîne un peu en longueur, surtout dans la deuxième partie.
C'est, de loin, le texte le plus étrange que j'ai pu lire de l'auteur. J'avoue que j'hésite entre considérer cette histoire comme une métaphore sibylline de l'existence, du temps qui passe et de la destinée, ou me dire que l'auteur lui-même ne savait pas trop où il voulait en venir.
La lecture n'en demeure pas moins fluide et captivante (surtout la première partie), et je vous invite à vous faire votre propre opinion.
Si ça saigne
Le plat de résistance de ce recueil, qui constitue la suite directe de L'Outsider, que je vous invite fortement à lire avant, même s'il s'agit d'une histoire à part entière qui contient toutes les clés utiles à sa compréhension.
Attention : si vous ne souhaitez aucun spoiler sur la trilogie Mercedes et L'Outsider, je vous invite ne pas lire les lignes qui suivent et à passer directement à la section suivante (Rat).
C'est bon pour vous ?
Ok, allons-y.
Nous retrouvons Holly Gibney, personnage fétiche du King qui œuvre toujours comme détective privée et dirige l'agence suite au décès de Bill Hodge. Son sens aigu de l'observation lui permet de déceler un détail étrange à la télévision alors qu'elle regarde un journaliste en reportage dans une école qui vient de subir un attentat. Très vite, cette découverte l'obsède et elle se met à enquêter. Aurait-elle découvert un nouvel outsider ?
En parallèle, nous suivons le placement de l'oncle d'Holly en maison de retraite et sa relation compliquée avec sa mère.
Je suis un peu partagé concernant cette novella. Autant j'ai adoré cette nouvelle enquête d'Holly et anticipé avec hâte la confrontation avec l'ennemi, autant la partie concernant son oncle sénile, sans aucun rapport avec l'enquête, m'a profondément ennuyé.
Je dirais qu'il s'agit d'une histoire très légèrement en-deçà de L'Outsider, même si elle reste très agréable à lire et ravira les fans d'Holly.
Rat
Drew est un professeur également auteur à ses heures perdue. Il a déjà publiée plusieurs nouvelles dont la première a même connu un certain succès.
Son problème : il désire plus que tout écrire un roman, mais n'arrive jamais à les terminer, malgré trois essais. La dernière tentative en date fut même catastrophique : alors en pleine dépression, Drew avait faillit mettre le feu à sa maison en brûlant son manuscrit, mettant un terme à sa carrière de romancier maudit.
Mais une nouvelle idée lumineuse va tout changer. Une idée de roman qui se met à l'obséder, tant et si bien qu'il part s'isoler dans un chalet isolé en pleine forêt afin de coucher par écrit son œuvre qu'il imagine grandiose. Malheureusement, ses anciens démons le rattrapent et, au bout de quelques jours, il peine à avancer mais s'obstine, puis il se retrouve bloqué suite à un orage et tombe malade. Au fond du gouffre, coupé de tout et de tous, un rat fait son apparition lors d'un délire fiévreux, avec qui Drew va conclure un pacte…
Comme mentionné plus haut, il s'agit de mon histoire préférée avec Le téléphone de M. Harrigan. Bien évidemment, j'ai tout de suite éprouvé une empathie profonde avec Drew, connaissant très bien la difficulté d'écrire un roman.
Ce n'est pas la première fois que l'auteur aborde l'écriture au travers de son œuvre : Misery, Sac d'Os ou encore La Part des Ténèbres sont déjà passés par là, tous abordant la question d'un point de vue très différent. Et Rat ne fait pas exception, car le King se renouvelle dans ce thème en y associant un classique de la littérature : le pacte faustien.
Une vraie réussite.
En bref :
Un excellent cru du King qui nous livre des textes toujours aussi finement travaillés et des personnages très attachants, même si l'on peut regretter quelques petites longueurs, en particulier dans le texte éponyme.
NOTE GLOBALE : 4/5
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