2021 - science-fiction
Quatrième de couverture
Une voyageuse venue du ciel... Un professeur de langues anciennes chargé de la comprendre... Le temps est compté et le danger est imprévisible. Communiquer à tout prix pour LA sauver... pour LES sauver. Il ne sait pas d'où elle vient, mais son arrivée va changer sa vie.
Ce roman de Science-Fiction philosophique (ou Philosophie-Fiction) apporte une réflexion sur la définition de l'être humain, les conséquences du réchauffement climatique, la nécessité de communiquer avec le monde du vivant et la capacité d'empathie d'une personne vis-à-vis d'un être venu d'ailleurs. Ce récit raconte également l'évolution d'une histoire d'amitié émouvante entre un être humain et un extraterrestre.
Mon avis
Intrigue : 3/5
La quatrième de couverture rappelle fortement le pitch de L'Histoire de ta vie de Ted Chiang, adapté avec brio au cinéma sous le titre Premier Contact, l'excellent film de Denis Villeneuve : un linguiste est chargé d'entrer en communication avec une race extraterrestre qui vient de débarquer sur Terre. La comparaison s'arrête cependant là, car les deux histoires n'évoluent pas de la même manière.
Le récit prend vite des allures de huis clos dans une base militaire, où nous suivons la relation entre Ama et Lujien Caolhe (toute ressemblance avec le nom de l'auteur serait totalement non fortuite), le linguiste chargé d'établir un dialogue avec elle.
Nous voulons absolument connaître le dénouement, et la chute est d'autant plus percutante qu'elle remet en perspective tout le roman. Mais c'est selon moi le seul coup de théâtre marquant et l'histoire manque un peu de péripéties à mon goût. Au final, je pense que cette histoire se serait peut-être mieux prêtée au format de la nouvelle. C'est un peu le même ressenti que le roman culte de Daniel Keyes, Des fleurs pour Algernon.
Le découpage du récit est similaire à ce que propose Bernard Werber, dont Julien Laoche est un inconditionnel comme il nous le dévoile dans son interview. Les "chapitres" sont ainsi très courts, parfois moins d'une page ; ils sont tous titrés et se terminent systématiquement par des points de suspension. Certains chapitres constituent des extraits du journal intime d'Ama, renforçant d'autant plus la comparaison avec l'auteur des Fourmis et ses extrait de l'encyclopédie du savoir relatif et absolu.
Idées : 4/5
L'idée principale du roman réside dans sa chute, qu'il ne saurait bien sûr être question de dévoiler dans ces lignes.
Je regrette cependant l'absence d'explication de certains éléments, comme par exemple les raisons des similitudes entre le langage des extraterrestres et celui des humains, de même que leurs ressemblances morphologiques. Mais ce n'est pas bien grave, car il faut selon moi voir Ama non comme une histoire de hard SF mais plus comme une fable philosophique qui nous renvoie à nos défauts et faiblesses humaines.
Sans posséder la rigueur scientifique qui caractérise Asimov, ce roman se rapproche quelque peu des Dieux Eux-Mêmes, qui relate également notre entrée en communication avec une espèce extraterrestre et met également l'accent sur le discours écologique.
Enfin, le roman évoque avec brio les dangers résultants de l'anthropocentrisme si caractéristique des êtres humains.
Personnages : 4/5
Le narrateur est Lujien. C'est un personnage très humain auquel nous pouvons facilement nous identifier. Il n'a aucune arrière-pensée dans sa démarche, contrairement à certains militaires de la base et autres politiciens qui ne voient en Ama qu'une source de profit ou de développement technologique accéléré.
Heureusement, le colonel est là pour nuancer l'attitude de ses semblables en uniforme. Tout d'abord cliché du militaire bête et méchant, il va peu à peu ouvrir son esprit et faire preuve d'empathie.
Enfin, le personnage d'Ama est bien sûr très intriguant et nous voulons en savoir plus sur son monde et ses origines. Il est aisé de se mettre à sa place et de ressentir sa solitude absolue au début du roman, seule rescapée d'une expédition débarquant sur une planète inconnue dont les habitants la séquestrent aussitôt dans une base militaire à des fins équivoques, sans qu'elle puisse communiquer avec ses geôliers et comprendre leurs intentions.
Style : 3/5
Le style est très dépouillé, nous revoyant à nouveau à ce que propose Bernard Werber : une écriture simple et efficace, presque journalistique.
C'est assez similaire à ce que peut proposer Lui Cixin dans son Problème à Trois Corps, par exemple, un autre roman de SF traitant d'un sujet semblable mais d'une tout autre manière.
L'auteur est avare en détails, nous laissant la charge d'imaginer les décors et environnements, même si c'est voulu pour des raisons que je ne peux dévoiler.
Malgré tout, intégrer quelques figures de style auraient pu augmenter l'immersion du lecteur et colorer quelque peu le récit.
Un exemple concret, p.17 : "[...] j'arrive devant la base militaire. Cette dernière a été construite sous une montagne. [...] L'entrée débouche sur un tunnel, puis un ascenseur permet de descendre sous les différents étages. [...] J'ai à peine le temps de remarquer que les murs, du sol au plafond, sont d'un jaune éclatant, qu'un individu en blouse jaune nous interpelle." Voilà, c'est à peu près tous les éléments que nous livre l'auteur sur la description de la base militaire. Je ne sais pas pour vous, mais j'aurais apprécié un peu plus de détails marquants pour mieux me la figurer et la découvrir avec Lujien : être surpris par le fracas des portes blindées qui se referment de manière oppressante, percevoir l'odeur aseptisée des lieux ou au contraire la transpiration fatiguée des militaires confinés dans la base, etc.
En bref :
Julien Laoche nous livre ici un bon premier roman, que je recommande chaudement aux amateurs de Bernard Werber et plus généralement de science-fiction humaniste et philosophique.
NOTE GLOBALE : 3.5/5
Comments