1966 - Science-fiction
Quatrième de couverture
Algernon est une souris dont le traitement du Pr Nemur et du Dr Strauss vient de décupler l'intelligence. Enhardis par cette réussite, les savants tentent, avec l'assistance de la psychologue Alice Kinnian, d'appliquer leur découverte à Charlie Gordon, un simple d'esprit. C'est bientôt l'extraordinaire éveil de l'intelligence pour le jeune homme. Il découvre un monde dont il avait toujours été exclu, et l'amour qui naît entre Alice et lui achève de le métamorphoser. Mais un jour, les facultés supérieures d'Algernon commencent à décliner…
Mon avis
Intrigue : 3.5/5
Le seul bémol de ce roman selon moi.
Si l'idée est géniale, le protagoniste profondément attachant et le style en parfaite adéquation avec l'histoire, l'intrigue, elle, laisse quelque peu à désirer.
La quatrième de couverture donne les principaux évènements du roman, en dehors de la fin, qui est facile à deviner.
J'aurais souhaité un peu plus de péripéties et de rebondissements.
Un exemple tout simple : je m'attendais à une joute verbale que Charlie aurait pu avoir avec un scientifique prétentieux ou n'importe quel expert qui se serait révélé imposteur. Bien sûr, il y a quelques échanges parfois bien sentis, mais au final rien de follement palpitant.
Tout le long du roman, Charlie semble au final assez passif face à ce qui lui arrive. Il se contente de goûter aux plaisir simples de la vie, sans jamais vraiment exploiter ses capacités intellectuelles hors du commun, ne serait-ce que pour rechercher avec acharnement une solution à son problème, une attitude qui aurait dû accaparer toute son énergie. Du moins, cela ne ressort pas assez selon moi.
De même, aucun véritable coups de théâtre en dehors de la chute du roman, malheureusement prévisible tout en demeurant malgré tout poignante.
Peut-être est-ce l'habitude de lire des thrillers comme ceux de Stephen King qui m'ont donné cette impression de platitude.
Ou, tout simplement, peut-être que la raison se cache dans le fait que ce roman est issu d'une nouvelle. Je l'ai d'ailleurs lue à la suite du roman, et j'ai trouvé que le rythme fonctionnait bien mieux dans ce format court. L'étirer en roman a certes permis d'approfondir le personnage de Charlie et d'exacerber l'émotion qu'il dégage, ou encore d'ajouter de nouveaux personnages comme Fay, mais c'est selon moi au détriment de l'intrigue qui m'a semblé assez plate, sans non plus être ennuyeuse.
Idées : 5/5
Il est de ces romans qui se misent tout sur une idée unique, élégante et efficace. Des Fleurs pour Algernon est de ceux qui excellent dans ce domaine. Je pense que nombre d'auteurs rêveraient un jour d'avoir une idée aussi brillante que celle de Daniel Keyes pour leur prochain écrit.
Tout le roman se construit autour de cette idée, exploitée à merveille, autant sur le fond que la forme : et si un simple d'esprit voyait son intelligence décuplée jusqu'à devenir la personne la plus intelligente sur Terre ?
Au niveau de la forme, le roman est écrit à la première personne, ce qui nous place aux premières loges pour suivre l'évolution de Charlie.
Encore mieux : l'écriture sous format de journal intime rédigé par le personnage nous permet de suivre ses progrès en rédaction, tout d'abord bourrée de fautes, puis peu à peu plus soutenue, ce qui augmente drastiquement l'immersion du lecteur.
Au niveau du fond, l'évolution de l'intelligence de Charlie est très bien rendue. Le fait de se concentrer sur une seule personne permet d'aborder les impacts de ce bouleversement dans leur plus profonde nature, qu'ils soient sociaux, psychologiques ou sentimentaux.
En comparaison, dans Barrière mentale, Poul Anderson avait lui choisi de montrer les effets d'une augmentation généralisée de l'intelligence de toutes les espèces vivantes sur Terre, animaux compris. Le portrait ainsi tiré était peut-être plus global, mais en contrepartie il ne pouvait qu'effleurer certains développement résultants de cet évènement.
En particulier, ici, l'un d'entre eux est exposé de manière prépondérante : l'intelligence fait-elle le bonheur ?
Personnages : 4.5/5
Impossible de ne pas s'attacher au personnage de Charlie Gordon.
Dès le début, nous ressentons avec émotion son statut d'"imbécile heureux" qui subit sans s'en rendre compte les moqueries de certaines personnes de son entourage. La relation avec sa famille nous émeut et nous interroge sur l'attitude que nous aurions pu nous-même adopter face à un fils ou un frère simple d'esprit.
Ensuite, avec son intelligence grandissante, Charlie devient lui-même apte à réaliser que le monde qui l'entoure n'est pas aussi amical que son ancien état de déficient mental l'avait laissé imaginer.
S'ensuit une évolution de sa confiance en lui, jusqu'à devenir presque condescendant, par exemple p. 210 : "Elle avait d'abord d'abord été enthousiasmée à l'idée qu'une œuvre lui soit dédiée, mais je ne pense pas que cela lui ait vraiment plu. Ce qui montre simplement qu'on ne peut pas tout avoir en une seule femme. Un argument de plus pour la polygamie."
Charlie ne devient cependant jamais méchant, et il n'hésite pas à défendre un serveur simple d'esprit, rabroué par son patron après avoir cassé de la vaisselle, et en lequel Charlie voit le reflet de son ancienne existence.
Parmi les personnages secondaires, nous nous attachons très vite à Alice, qui va profondément être mise à l'épreuve dans sa relation avec Charlie. Dans un premier temps, elle va d'abord l'accompagner dans son changement, puis vite être dépassée par les évènements autant que par ses sentiments.
En parallèle d'Alice, Fay fera découvrir à Charlie une passion plus charnelle. Cette jeune hippie extravertie se révèle en quelque sorte être l'opposée d'Alice, permettant ainsi à Charlie d'explorer deux facettes bien différentes d'une relation amoureuse.
J'aurais par contre souhaité un meilleur développement de certains personnages, comme par exemple le Dr Nemur, dont la volonté de gloire précipitée réside en sa femme, qui n'est évoquée qu'à la va-vite : "Le Dr Nemur était marié à une mégère qui le tarabustait sans cesse pour qu'il ait des ouvrages publiés et qu'il devienne célèbre. Burt dit que le rêve de cette femme était d'avoir un mari important". Le manque de nuance et de subtilité est quelque peu dommage. Il aurait été plus marquant de le montrer plutôt que de l'affirmer ("show, don't tell"), par exemple en faisant participer Charlie à un diner avec elle pour qu'il réalise de lui-même son appétit de célébrité et son caractère aigri, et comprenne ainsi mieux les motivations du Dr Nemur.
Enfin, il ne faut pas oublier Algernon, la souris qui subit le même traitement que Charlie. Les deux noueront une relation étroite et bouleversante.
Style : 5/5
L'analyse du style est quelque peu biaisé par le parti pris de l'auteur, à savoir la rédaction sous forme de journal intime du protagoniste. Comme dit précédemment, l'évolution du texte est directement liée à celle de l'intelligence de Charlie. Accrochez-vous donc pour lire les premières pages, car l'absence totale de ponctuation en dehors des points et les phôtes d'aurtografe piquent les yeux…
Quoi qu'il en soit, le style colle parfaitement au développement du roman et garantit l'immersion totale du lecteur.
En bref :
Nous avons ici affaire à un classique de la SF, qui est et restera pour longtemps intemporel.
Le manque de relief de l'intrigue est balayé par l'exploitation d'une idée géniale, portée par l'un des personnages les plus attachants qu'il m'ait été donné de découvrir.
NOTE GLOBALE : 4.5/5
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