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Spin, de Robert Charles Wilson

2005 - Science-fiction

 

Quatrième de couverture


La vie de Tyler Dupree est inextricablement liée à celle des jumeaux Lawton, Diane et Jason. Ils étaient ensemble la nuit où la Terre a été coupée du reste de l’univers par une mystérieuse barrière opaque à l’extérieur de laquelle le temps s’écoule des millions de fois plus vite. Il ne reste donc plus que quelques décennies avant que le Soleil ne transforme la Terre en une boule de feu, exterminant ainsi l’humanité. Jason n’a alors plus qu’un but dans la vie : comprendre pourquoi et par qui la barrière a été installée.

Roman de science-fiction vertigineux, Spin gagne le pari de nous transporter dans un futur lointain qui reste familier. Une réussite couronnée aux États-Unis par la plus haute distinction de la science-fiction, le prix Hugo, et en France par le Grand Prix de l’Imaginaire.


 

Mon avis


Intrigue : 4.5/5


Après un court prologue volontairement sibyllin, l'histoire s'ouvre sur une soirée d'octobre.

Le personnage principal, Tyler Dupree, est adolescent et passe la soirée avec ses amis Diane et Jason Lawton, des jumeaux. Ils décident de prendre l'air, et, alors que Tyler observe les étoiles, ces dernières disparaissent toutes d'un coup dans le ciel.

La Terre vient d'être encapsulée dans une membrane invisible, vite baptisée Spin.


Cet évènement incompréhensible déclenche alors une vague d'inquiétude dans le monde entier. Difficile de rester insensible face à ce mystère céleste.


Tyler grandit dans cette ambiance de fin du monde. Il devient médecin, une activité qui lui sera bien utile pour aider son ami Jason, qui souffre d'une maladie incurable. Ce dernier se révèle être un génie, leader des développements scientifiques concernant le Spin, de même que son père, E.D. Lawton, se positionne au cœur des décisions politiques résultantes.

Ainsi, Tyler va suivre de près les futurs évènements relatifs au Spin ainsi que ses répercussions sur sa vie et sur l'humanité toute entière.


Spin n'est clairement pas un roman d'action. Les amateurs de space opera épiques ou de confrontations musclées avec des extraterrestres risquent d'être déçus.

Ce n'est pas l'objectif de ce roman, qui reste absolument passionnant pour qui souhaite une histoire ancrée dans un contexte réaliste et contemporain confronté à un évènement extraordinaire. L'auteur prend ainsi le temps de développer ses personnages, et surtout d'exploiter ses idées de façon étourdissante.


Le seul bémol, à mon sens, est celui de la longueur du roman, un peu à la manière d'un Stephen King comme les récents L'institut ou L'outsider (tous deux excellents par ailleurs).

Selon moi, Spin aurait pu être amputé de 100 à 150 pages sans problème.

Un exemple concret : l'intrigue de la boite à chaussure n'apporte absolument rien à l'histoire et son dénouement est même assez décevant de mon point de vue.


Idées : 5/5


L'idée principale du roman est bien sûr celle qui lui donne son nom. La Terre se retrouve donc coupée du reste de l'univers, encapsulée dans une bulle immatérielle, bien vite nommée Spin. Celle-ci simule le cycle jour nuit grâce à la présence d'un soleil factice qui tourne autour de la Terre dans un faux ciel. Mais pas uniquement : le temps s'écoule 100 millions de fois plus lentement à l'intérieur de la membrane Spin par rapport au reste de l'univers. Il ne reste donc que quelques dizaines d'années avant que le Soleil se transforme en géante rouge et carbonise la Terre. Le compte à rebours est lancé…

Bien évidemment, tout l'enjeu du roman est de découvrir l'explication du Spin. Qui donc possède une telle technologie capable d'isoler une planète et ralentir aussi drastiquement le temps qui s'y écoule ? Et, surtout, dans quel but ?


Le génie de ce roman réside non pas en l'explication du Spin, bien que fabuleuse et dévoilée uniquement à la toute fin, mais en la façon dont l'humanité va exploiter ce coup du sort.

En particulier, l'auteur va développer deux idées fascinantes. La première est très classique en SF : il s'agit de la terraformation. Quand à la seconde, elle l'est beaucoup moins : les machine de von Neumann. Je ne développerai pas plus pour ne pas spoiler, mais, croyez-moi, très rares sont les romans qui m'ont fait ressentir autant cet étourdissement science-fictif, ce vertige profond du sense of wonder. Ces dernières années, seuls le roman Temps de Stephen Baxter ainsi que la trilogie du Problème à Trois Corps, tout particulièrement son dernier tome La Mort Immortelle, ont réussi cet exploit.

L'auteur flirte ainsi parfois avec la hard-SF, sans jamais franchir la limite d'explications obscures pour qui n'est pas thésard en physique ou en astronomie. Les développements scientifiques et techniques restent donc parfaitement vulgarisées et accessibles à tous.


Personnages : 4.5/5


Le roman est écrit à la première personne, du point de vue du personnage principal, Tyler. Pour être franc, je n'apprécie que moyennement ce type de narration homodiégétique ; je lui préfère la narration à la troisième personne, qu'elle soit omnisciente ou focalisée sur un personnage. La raison est double. D'une part, si, pour une raison quelconque, je n'arrive pas à m'identifier au personnage narrateur, j'ai plus de mal à m'immerger dans l'histoire. D'autre part, il peut parfois être frustrant de ne suivre qu'un seul personnage et de ne pas avoir le point de vue d'autres intervenants pour nuancer et varier la narration.

Dans Spin, heureusement, ce n'est pas un problème, car Tyler est un "Monsieur Tout-le-monde" réellement au cœur des évènements. Sa façon de penser et d'agir est en effet relativement neutre car il n'a ni le génie de Jason, ni le charme de Diane, ni la forte personnalité de leur père E.D.

Tyler, au final, n'est rien d'autre que qu'une facette de nous-même. Nous sommes pris au piège avec lui dans cette histoire, n'ayant d'autre choix que de subir et affronter le Spin.


Les trois autres personnages principaux, à savoir les jumeaux Jason et Diane et leur père E.D., sont eux très bien exploités, bien que pouvant parfois paraître un brin caricaturaux, mais rien d'impardonnable. Ils sont tous attachants à leur manière et réagissent tous différemment face au Spin.


Les personnages secondaires servent surtout à remettre en perspective les travers de notre société, comme par exemple l'individualisme avec Giselle, ou encore le fanatisme avec Simon.


Enfin, les "personnages" les plus fascinants et mystérieux demeurent les Hypothétiques, ces entités qui seraient à l'origine de la création du Spin. Le roman prend le temps de dessiner leurs contours possibles jusqu'à la révélation finale.


Style : 4.5/5


Robert Charles Wilson demeure égal à lui-même en matière de narration. Sa plume se révèle aussi limpide que pauvre en envolées exaltées, à l'instar de ses autres romans, comme par exemple La Cité du Futur, sa dernière publication au moment de la rédaction de cet article.


L'auteur reste à mon sens un tantinet plus lyrique que Kim Stanley Robinson ou Liu Cixin, tous deux œuvrant dans une science-fiction assez proche, c'est-à-dire plutôt terre-à-terre et rationnelle.


Bien souvent, dans Spin, un soupçon de poésie nait dans une phrase au caractère pourtant scientifique. Par exemple, p.146 : "Les étoiles étaient comme les gens, lui ai-je dit : elles vivaient et mouraient dans des intervalles de temps prévisibles."


De façon globale, la lecture est donc fluide et agréable, de sorte que le style porte et décrive avec brio l'histoire, ses personnages et ses idées.


En bref :

Spin est le seul et unique roman que j'ai lu plus de deux fois. Si cet argument ne vous suffit pas, je dirais qu'il n'a pas volé son prix Hugo et qu'il demeure un classique incontournable de la science-fiction, et même de la littérature en général, grâce à son histoire ancrée dans un contexte réaliste et contemporain, ouvrant ainsi en grand la porte aux non-initiés au genre.

En bref, un chef-d'œuvre de la science-fiction moderne.


NOTE GLOBALE : 5/5


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