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Aurora, de Kim Stanley Robinson

2019 - Science-fiction

 

Quatrième de couverture


Notre voyage depuis la Terre a commencé il y a des générations.


À présent, nous nous approchons de notre destination.


Aurora.


Brillamment conçu et merveilleusement écrit, un roman majeur d’une des voix les plus puissantes de la science-fiction moderne. Aurora raconte l’histoire incroyable de notre premier voyage au-delà du système solaire, pour trouver un nouveau foyer.


 

Mon avis


Intrigue : 4/5


Le tout début du roman est pour le moins déstabilisant.

La quatrième de couverture nous promettait un voyage à bord d'un vaisseau spatial, mais nous voici plongé au milieu d'un lac ! A moins qu'il ne s'agisse d'un flash-back ?

Très vite, on se rend compte qu'il n'en est rien, et cette entrée en matière constitue même un bon moyen d'introduire le concept des biomes. Au nombre de 12 dans le vaisseau, ils constituent de véritables écosystèmes cloisonnés, chacun se calquant sur un endroit terrestre particulier : Nouvelle-Ecosse, Mongolie, Labrador, etc. Les voyageurs vivent donc dans ces biomes, qui contiennent tout ce qui est nécessaire à la vie de plusieurs générations.

Evidemment, rien n'est laissé au hasard en ce qui concerne le recyclage, un peu comme peut le décrire Hugh Howey dans ses silos, véritable espaces de vie confinés et auto-suffisants. Seule différence : un air empoisonné remplace le vide de l'espace, même si les deux sont tout aussi mortels l'un que l'autre.


La première partie du roman relate ainsi la fin du voyage vers Aurora, non sans égrener les diverses difficultés auxquelles les passagers doivent faire face. Exit les vaisseaux éternels de certains récits de science-fiction. Ici, ses occupants doivent constamment trouver des solutions aux nombreux problèmes qui se présentent afin d'éviter que leur fragile nef ne dépérisse avant l'arrivée, ce qui se révèle loin d'être une mince affaire.


Et, lorsque le vaisseau atteint enfin sa destination, tout n'est pas réglé, loin de là…

L'arrivée dans ce nouveau système planétaire représentera en effet de nombreux défis que les voyageurs devront affronter. Car, malheureusement, Aurora n'a rien d'un paradis et se révèle à peine plus accueillante que la planète Helstrid, par exemple.


L'intrigue est palpitante et imprévisible de bout en bout, même si je regrette l'absence de fermeture de certains arcs narratifs en fin de roman (sans spoiler, je pense au devenir de l'autre groupe).


Idées : 4.5/5


D'emblée, précisons que nous avons affaire à Kim Stanley Robinson. Et qui dit Kim Stanley Robinson implique la prépondérance du terme "science" dans ses récits de science-fiction, comme nous avons pu le constater depuis la parution de sa célèbre trilogie martienne, véritable monument SF des années 90 dans laquelle l'auteur y décrivait en détail la terraformation de Mars sur deux siècles. Il est d'ailleurs amusant d'y déceler quelques clins d'œil appuyé dans ce roman, vers la fin.

Ainsi, l'auteur ne manque pas de nous abreuver de chiffres détaillés concernant les caractéristiques du vaisseau et du système planétaire d'Aurora, heureusement sans jamais être rébarbatif ni ennuyeux. De même, aucune technologie exotique ne pointe le bout de son nez dans ces pages, car l'auteur met un point d'honneur à soigner la crédibilité scientifique de son histoire.

Selon moi, c'est en grande partie ce qui fait la force de ce roman, tant cela contribue à l'immersion dans l'histoire, qui parait donc plausible dans un futur très proche, et à l'empathie pour les personnages et leurs tracas terre à terre et réalistes.

Pour être franc, j'ai presque trouvé l'auteur timide sur les avancées technologiques, surtout en considérant les évolutions possible en plus de 5 siècles. Par exemple, l'absence de cryogénie force les passagers à se reproduire dans le vaisseau et ainsi ne jamais voir le terme du voyage, privilège réservés à leurs descendants (à moins que… ?).

Bref, l'auteur flirte largement avec la hard SF, sans jamais rendre son texte complexe.


Une autre idée développée est celle du concept d'insularité appliqué à un vaisseau spatial : comment peut évoluer une population humaine sur plusieurs génération, ainsi confinée dans un vaisseau ?


Mais l'excellence du roman réside dans son idée principale, qu'il est difficile de développer sans spoiler. Disons juste qu'elle tente de répondre au paradoxe de Fermi, à savoir : "S'il y avait des civilisations extraterrestres, leurs représentants devraient être déjà chez nous. Où sont-ils donc ?"

Une réponse un tantinet plus positive que celle apportée par Jean-Pierre Boudine dans son roman du même nom, et nettement plus que celle de Liu Xincin dans sa trilogie du Problème à Trois Corps avec sa théorie de la forêt sombre.


Personnages : 3.5/5


L'histoire s'ouvre avec celle qui va devenir le personnage central, à savoir Freya, une adolescente ayant eu la chance de naître dans la génération qui va atteindre Aurora. On suit ses péripéties et ses découvertes dans le vaisseau avec plaisir, même si son aspect candide peut parfois agacer.


Devi, la mère de Freya, n'est autre que l'ingénieure en chef du vaisseau. Son caractère réfléchi et sa grande intelligence en font un élément crucial. On aime affronter les problèmes avec elle et leur trouver des solutions, les uns après les autres.

Son époux Badim est quand à lui en charge de l’organisation du vaisseau. Quelque peu effacé comparé à Devi, il demeure un pilier pour Freya.

J'ai trouvé ces deux personnages peu colorés et nuancés, même s'ils restent crédibles et portent très bien l'histoire. Idem pour les personnages secondaires.


Mais n'oublions pas un autre personnage essentiel : le vaisseau lui-même, ou plutôt son intelligence artificielle, issue d'un ordinateur quantique. Là encore, l'auteur aborde ce thème d'un point de vue rationnel et réaliste, aussi le lecteur se trouve face à une entité en apprentissage s'en remettant souvent aux humains et en particulier à Devi, et non un être virtuel omniscient et insensible comme peut l'être le célèbre HAL de 2001 par exemple.

Paradoxalement, bien que ce ne soit pas un "vrai" personnage à proprement parler, c'est celui dont j'ai trouvé l'évolution la plus fascinante.


Style : 4/5


Amateurs de belles phrases et de métaphores, passez votre chemin. L'auteur préfère décrire la beauté de la science plutôt que celle de la poésie. C'est d'autant plus flagrant - et logique - lorsque la narration s'effectue du point de vue de l'IA du vaisseau.

Ce style très sobre, presque journalistique, colle parfaitement à l'histoire et renforce le côté hard SF.


Par exemple, lorsque le vaisseau parvient dans le système planétaire d'Aurora, l'auteur ne peut s'empêcher d'énoncer ses caractéristiques purement factuelles plutôt que de faire vibrer le lecteur avec la découverte de ce nouveau monde.

Jugez par vous même : "[...] Aurora leur semblait immense. La surface qui recevait directement la lumière du soleil était incroyablement brillante, qu'elle leur apparaisse pleine, croissante ou décroissante. Une autre portion de la lune, la partie de l'hémisphère sur laquelle tombait la lumière diffuse de la planète, était également éclairée, mais nettement plus faiblement." Une description claire, mais dont certains lecteurs pourront regretter l'absence de lyrisme.


En bref :

Aurora est un roman aux idées fascinantes qui mêle avec brio planet opera et space opera. Son intrigue habile et prenante est portée par des personnages peu colorés mais réalistes, et le dépouillement du style colle parfaitement au texte, qui flirte allégrement avec la hard SF sans jamais devenir trop velu.


NOTE GLOBALE : 4/5


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