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Le temps fut, de Ian McDonald

2020 - Science-fiction

 

Quatrième de couverture


Bouquiniste indépendant, Emmett Leigh déniche un jour un petit recueil de poèmes lors de la liquidation de la librairie d'un confrère. Un recueil, Le Temps fut, qui s'avère vite d'une qualité littéraire au mieux médiocre… En revanche, ce qui intéresse Emmett au plus haut point, c'est la lettre manuscrite qu'il découvre glissée entre les pages de l'ouvrage. Pour le bouquiniste, tout ce qui peut donner un cachet unique et personnel à un livre est bon à prendre. Il se trouve ici en présence d'une lettre d'amour qu'un certain Tom adresse à son amant, Ben, en plein cœur de la Seconde Guerre mondiale. Remuant ciel et terre - et vieux papiers - afin d'identifier les deux soldats, Emmett finit par les retrouver sur diverses photos, prises à différentes époques. Or, la date présumée des photos et l'âge des protagonistes qui y figurent ne correspondent pas… Du tout.


 

Mon avis


Intrigue : 4/5


Nous avons ici affaire à un roman court, novella de son petit nom, issu de la collection heure-lumière au Belial. Dans cette même collection, j'ai déjà pu lire Hellstrid, qui m'avait laissé une bonne impression.


Point d'intrigue développée sur des centaines de page, donc.

Un exercice qui implique, à l'instar des nouvelles, de condenser l'écriture sans l'alourdir, et de maîtriser le rythme. C'est chose faite ici.

L'enquête est passionnante et nous balade entre passé et présent.

Le récit alterne en effet entre le point de vue du bouquiniste qui mène son enquête et celui de Ben et Tom, deux amoureux à travers le temps.


Bien qu'un tantinet prévisible pour qui a déjà été abreuvé de ce genre d'histoire, la chute n'en demeure pas moins percutante, et l'on ressort satisfait de cette issue.


La seule critique que je puisse faire à l'auteur, c'est d'appliquer un peu trop à la lettre le show don't tell, une méthode qui permet d'augmenter l'immersion du lecteur en ne lui expliquant pas ce qui se passe ou ce qu'il s'est passé, mais en lui montrant plutôt la scène afin qu'il le comprenne de lui-même. D'autant plus que l'auteur le fait à grand renfort de détails et de références qui peuvent abrutir et, au final, faire passer le lecteur à côté de ce qu'il était sensé comprendre. Parfois, un peu de tell ne fait pas de mal, et j'en regrette ici la quasi-absence.

Suivre cette histoire peu donc parfois exiger une attention soutenue, mais le jeu en vaut la chandelle.


Idées : 3/5


La partie la plus intéressante du roman, à mon sens, est le premier tiers, qui laisse planer le doute entre l'immortalité et le voyage dans le temps, deux hypothèses pouvant expliquer la présence de mêmes personnes qui ne vieillissent pas sur des photos séparées de dizaines d'années.

L'auteur prend même un malin plaisir à évoquer de nombreuses références culturelles, comme Highlander, Blade Runner ou encore Harry Potter.


Très vite, entre les deux hypothèses, le couperet tombe, et, malheureusement, ce roman n'apporte pas une grande pierre à l'édifice du thème qu'il développe par la suite. Aucune explication scientifique réellement solide ne sera apportée, ni aucun angle d'attaque réellement original. Je pourrais développer, mais ce serait spoiler. Il faudra donc lire le roman pour vous en faire votre propre idée.

Néanmoins, il ne reste pas moins plaisant de retrouver cette thématique qui demeure fascinante en elle-même.


Un autre thème abordé est celui de la romance gay, avec même un passage très explicite.


Enfin, on y retrouve le thème de la guerre et ses atrocités, évoquées avec brio par l'auteur.


Personnages : 4/5


Le narrateur, à savoir Emmett Leigh, est donc le personnage principal. Il va essayer de percer le mystère de ces deux hommes, Tom et Ben, qui semblent se balader à travers le temps.


Le parcours du narrateur sera jalonné de personnages pour l'aider dans sa quête, comme Thorn et ses vieilles photos, ou encore Shahrzad Hejazi, une archiviste dont la mémoire sera d'une grande aide.


Les portraits de Tom et Ben sont subtilement dressés par le biais de leurs courts passages narratifs ainsi que leurs échanges épistolaires.


Enfin, les personnages secondaires comme ses confrères bouquinistes qui ouvrent le récit sont également très bien caractérisés comme vous pourrez le voir dans la partie Style ci-dessous, même si leur rôle est finalement très mineur.


Style : 4.5/5


Le point fort du roman selon moi.

Le style est très immersif, on est plongé dans l'histoire dès les premières phrases. Je vous laisse juger avec les premiers mots de cette novella : "Ils sont arrivés comme des vautours, hésitant, rôdant, attirés par les phéromones des livres à l'agonie. J'en connaissais la plupart : c'est un petit milieu que celui des revendeurs. Le grand Lionel, dans son éternel costume anthracite luisant au cul et aux coudes, qui explorait les bacs en plastiques à la manière d'un héron en chasse : il se tenait parfaitement immobile, puis capturait d'un coup sec un volume à couverture toilée. Louisa en Louboutin, masque antipoussière sur le visage, trottinait autour de la benne sur ses talons [...] "

En une phrase, l'auteur caractérise un personnage qui devient aussitôt marquant : la posture de rapace du grand Lionel, les pas claquants de Louisa en Louboutin. On se trouve aussitôt avec lui dans cette liquidation de librairie. Exemple parfait du show don't tell que j'évoquais plus haut s'il en est : l'auteur n'utilise les termes "liquidation" ni même "librairie" à aucun moment dans cette scène, mais ici il est aisé de comprendre ce qu'il s'y passe, d'autant plus qu'on a lu la quatrième de couverture.


Ce souci du show don't tell outrancier est d'ailleurs la seule critique que je pourrais formuler à l'encontre du style.


Bref, nous sommes ici à l'extrême opposé du style beaucoup plus terre-à-terre d'auteurs SF comme Robert Charles Wilson ou Kim Stanley Robinson, dont j'ai précédemment chroniqué les excellents Spin et Aurora.


En bref :

Bien qu'à la lecture exigeante, ce récit nous plonge dans une histoire d'amour temporelle portée par le style immersif de l'auteur et des personnages marquants.


NOTE GLOBALE : 4/5


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